…jour, 167

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© Olivier Seignette, northroots

« Ecrire un livret c’est raconter une histoire qui sera soutenue et accompagnée par la musique. C’est avoir présent à l’esprit que la musique deviendra tous les personnages, avec ses couleurs, ses sentiments, son évolution. Pour moi, écrire une histoire c’est creuser une voix, la mienne, celle de mes personnages. Je suis aussi musicienne, alors je ne fais pas bien la différence entre toutes les notes que j’écris. Littéraires ou musicales, elles forment des petits bouts de chose et constituent l’ensemble de mon travail. Je suis très attachée aux notions de résonance, de silence et d’enfance. Lorsque j’étais petite et que l’on m’a lu « la petite fille aux allumettes » d’Andersen j’ai eu très peur. J’ai été très triste aussi. Lorsque la compagnie Piccola m’a proposée d’en faire l’adaptation j’ai été très heureuse parce qu’enfin je pouvais devenir cette petite fille, dans ses jeux son amour et son quotidien. Elle rêve, et de ses rêves j’en ai fait une histoire, où l’on rencontre les jeux, la mort, l’espoir, la transmission. En  m’appropriant le conte d’Andersen, j’ai pu faire en sorte que cette petite fille soit moins dans sa solitude et sa tristesse, lui faire traverser quelques rêves, et faire entendre et voir son imaginaire d’enfant, lorsque la réalité devient ce que l’on en fait. Bien sûr la vie lui est rappelée dans sa réalité crue et ses douleurs parfois, elles existent et c’est à travers les contes que l’on peut tenter de les approcher, les avaler, les dépasser.

Franz Kafka a dit « il n’existe que des contes de fées sanglants. Tout conte de fées est issu des profondeurs du sang et de la peur. » C’est un peu dramatique au premier abord, d’un accès difficile mais je pense qu’effectivement le conte de fée est là pour nous aider à vivre, et la vie ce n’est pas un conte de fée comme on veut nous le faire croire bien souvent, tout rose tout gentil tout lisse. Nous savons tous que la vie est tout à la fois plus belle, plus profonde et plus difficile que cela. Enfant, nous avons les bras grands ouverts, à nous enfants devenus grands, de ne pas perdre notre regard, celui qui se pose de face sur ce qui nous entoure, et nos rêves. »

interview Agathe Elieva, librettiste de La Petite Fée aux Allumettes, 2011

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© Olivier Seignette northroots

La réalité de la réalité devient la réalité et toutes les distances du monde

…Une note les contient toutes, et pourtant ce n’est pas tourner en rond…

Creuser sa voix n’est-il pas le chemin, la rêverie du monde, celui-là même resté muet dans l’enfance

?

 

…jour, 130/alfée, 1

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Olivier Seignette

une maison silencieuse n’est pas une maison vide
j’aurai appris ça

les lien se tissent au grenier, à la cave, sous la paille des chaises
les fondations communiquent

https://alfeecompagnie.wordpress.com/2016/04/03/un-peu-de-demain/

…Un peu de demain…

…jour, 47

Olivier Seignette© olivier seignette

Les gens malheureux prétendent qu’ils sont nés d’une tristesse ancienne. D’un accouchement de barbaque compliquée. Le mal c’est dans le premier sang. Le premier cri qu’il s’enracine. Et donc d’atroces cris de souffrance. Pas les leurs. Non. Ceux d’un père éploré d’horreur. Dévasté de chagrin. Son impuissance mise en demeure sur le pas de la porte. Dont les gestes ne se tendront plus. Vers aucun but. Sera toujours dans votre dos celui-là. Ne sera plus qu’une peur primale. Une angoisse nocturne. La désillusion du soldat. Avant d’avoir pu livrer bataille. Ceux aussi d’une mère terrassée au seuil de la naissance. Comme un suc mortifère son dernier souffle d’amour répandu à courte haleine sur votre corps déjà froid. Et tout ça qui apposerait le sceau du malheur. L’immense. L’incommensurable. Les gens malheureux vous expliquent que leur venue au monde n’a consisté qu’à ça. Une explosion brutale et c’est tout. Que depuis le premier jour, la vie n’est pas la vie. Ont beau lire. Au lit où aucune étreinte ne vient jamais froisser le drap. Dans les trains où on ne les remarque pas. Ont beau se saouler de cinéma. A oublier. A comprendre. A endormir. A ressouder. Ça ne tient pas longtemps. Pour eux la vie de ne se conçoit pas. C’est la mort qui conduit l’équipage. Les gens malheureux ne viennent pas de. Ne vont pas vers. Sont comme ça. Ni en dehors. Ni au dedans. Retirés de tout. A l’écart de soi

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Les gens malheureux, Benoit Jeantet