…la ligne nue, 20

Unknow

© Irving Penn

Et puis, j’ai cueilli les premières roses du Ronsard, le premier brin de lavande, les fleurs de l’oranger du Mexique du ceanothe généreux mais dont les fleurettes laissent des confettis impossible à retirer sur le pull, j’ai taillé l’herbe deux fois avec les cisailles avec les mains qui tremblent ensuite, mais le plaisir du clic clic est inimitable, j’ai nettoyé la porte d’entrée pour que la bienvenue soit celle d’un monde nouveau, des retrouvailles, de l’amour, j’ai pressé des oranges et préparé des cocktails d’agrume et de menthe, j’ai refait le canapé quatre fois, lavé les housses, je crois que je veux un nouveau canapé aussi, mais lequel, j’ai rêvé de tissus indiens, fleuris, cotonnade légère, du léger et du gracile, j’ai inventé des gâteaux à la praline, bu du thé mais pas tant que ça finalement, acheté une cafetière italienne et une petite tasse à espresso napolitaine, le rêve, j’ai voyagé dans l’odeur du mélange blend italia, un délice, j’ai repeint de vieux cadres et les ai utilisés pour la cuisine c’est beau j’aime ma maison, j’ai savouré chaque heure avec elle, j’ai profité profité j’ai essayé de ne pas en être déjà nostalgique, j’essaye encore, je me dis je choisis d’être aimée je choisis d’aimer comme un mantra mais la plupart du temps celui-là je l’oublie

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Unnown

© Sarah Moon

la ligne nue, 19

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©A.Elieva 03.20

 

Et puis j’ai culpabilisé parce que je n’en ai rien fait.

J’ai passé des heures à naviguer sur des sites d’épicerie du monde, de papier népalais ou coréen ou japonais, à imaginer les nouveaux meubles pour un nouveau salon, bois brut ou laqué, de Chine ou de Scandinavie, j’ai pris le soleil, le suivant comme j’ai pu comme un lézard à m’installer à 8 heures pour travailler ou lire pour le travail ou pour le simple plaisir de passer des heures à observer les jeux de lumière et la fumée des tasses de thé entre la feuille de jasmin et le mur nouvellement repeint de bleu. J’ai cuisiné, géré les stocks de produits frais, garde-manger dans un sac de tissu installé dehors les jours et les nuits surtout fraîches de mars, découvert des petits producteurs, attendu les livraisons en culpabilisant des livraisons, ingérer les bourts de beau et de bon les heures douces et sereines, les angoisses de la nuit et pas seulement, la fièvre les coups de chaud qui te réveillent 4 ou 5 fois, les symptômes de la maladie que tu crois reconnaître, les cauchemars les mauvais rêves peuplés des hyènes et des abrutis, d’un bébé à la tête de vieillard que tu as lutté pour maintenir en vie il voulait toujours tombé du lit ce con, le lit était suspendu, alors c’était le risque de la chute éternelle, mais nous ne sommes pas tombés.

…/…

…la ligne nue, 18

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©Davide Cerullo, les justes de Gomorra

Napoli, de la Scampia à la poésie

des voiles aux bosquets, les justes d’ici et de là : fractale 93

vidéo de 5’48 :

https://www.arte.tv/fr/videos/086962-011-A/le-juste-de-gomorra/

… »l’objectif et le stylo de Davide Cerullo mettent en lumière ceux qui demeurent dans l’ombre, en nous rappelant ce qu’est un visage : « une identité humaine qui questionne notre part de responsabilités vis-à-vis d’une revendication de justice sociale »

 

…la ligne nue, 15

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© Agathe Elieva Paris 9e

Il va bien falloir apprendre. Rentrer seul. Maison silencieuse, la contrainte horaire a disparu, l’horaire de son retour avec, le réfrigérateur trop plein. Comment fait-on lorsque l’on rentre seul, ouvrir la porte et puis,  rien. Quels sont les gestes. Le temps se suspend-il, le sens du temps est-il abrogé, comble-t-on le silence, nous remplit-il, est-ce la fin du monde, s’engouffre-t-on dedans, la mort, qu’est-ce que c’est que cette chose, rentrer seul lorsqu’on ne l’a jamais fait de sa vie entière. Mon silence est son silence. Et je ne sais pas quoi en faire. La ville est loin.

 

…la ligne nue, 13

Camion soleil 95

©Agathe Elieva, D170

 »

Tirer le fil de cette ligne nue, fractale 93…

cela a l’air simple hop je tire et deux extrémités de fil se font face, se regardent – impassibles puisque c’est dénué de tout sentiment, un fil – l’Ouest et l’Est avalés en un point unique qui serait situé entre mon pouce et mon index parfois même le majeur – ces doigts qui tiennent le fil, frappent les touches pour tenter de former les mots du fil – ce fil tiré comme une épingle du jeu, un jeu de tarot ce serait le destin entre les mains de la diseuse, ma vie devient la vie que tu vois que tu inscris la vie de ma vie que tu ne vivras pas

non

mon fil tournoie, fait des nœuds, créé d’autres bouts de fil, s’emmêle aux chaînettes, aux cheveux, aux bouts de laine, mes doigts s’embourbent et l’Est défie l’Ouest – je ne suis pas comme toi cousin, nous ne ferons pas partie de la même histoire narvalo

« 

…la ligne nue, 10

Bondy Phare

©A.Elieva 

« Et puis finalement un soir, c’est arrivé, les sirènes ont enveloppé d’une fréquence insupportable l’ensemble des rumeurs de la ville, de la cité, de l’impasse. L’hélicoptère a joué son contrechant/soutenu par un contreplongé de drone/captation et surveillances. On ne saura que plus tard en contretemps/postprod. une partie méconnaissable des faits. Relayés par des acteurs de 3e zone, avides de bienpensance et de sensations, nous ne reconnaîtrons rien de notre quotidien, étonnés du verdict/tristes des violences/fatigués du fatum. Ils seront assez forts pour persuader l’audience que nous n’y comprenons rien. Gens de peu que nous sommes, petites gens que nous demeurons.

Pourtant plus au Sud de la ville ce soir-là, nous veillions, impuissants et tristes. Le lendemain pourtant, nous étions déjà là, un peu plus affaiblis mais perpétuellement solidaires. Toutes nos humanités rassemblées

. »

…la ligne nue, 8

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©Agathe Elieva, rue Vaillant 93

« …

S’il existait déjà depuis plus d’un siècle des objets fractals – sans toutefois qu’ils portent ce nom – ils n’avaient été créés qu’en tant qu’anomalies ou contre-exemples afin de prouver la non-équivalence de certaines notions*… »

dire qu’il en serait de même d’un territoire géographique, une topologie sensible, certains lieux délaissés par l’arbitraire de quelques-uns, il n’y a qu’un pas. Regarde : je fais un pas. A force de faire balader, on se promène. On serait comme le monstre mathématique, que l’on évoque à mot couvert avant de le domestiquer, avant d’en faire sa terre fertile, son épouvantail politique.

* Larousse, encyclopédie

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©Agathe Elieva, Bagnolet 93

…la ligne nue, 7

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Gerhard Richter, study for clourds, contrejour, 1970

Un nuage est constitué de volutes de volutes de volutes qui chacunes ressemblent à des nuages. A mesure que vous vous rapprochez d’un nuage que vous n’avez pas quelque chose de lisse, mais des irrégularités sur une plus petite échelle

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Benoît Mandelbrot, les objets fractals (Les objets fractals: forme, hasard et dimension)

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Gerhard Richter, Clouds n°265

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Gerhard Richter, Clouds, 1976