…la lettre nue, 28

tumblr_nwz5c3Kpyt1u829jho1_540

Lucyna Kolendo

« Tu as été l’époque la plus belle de ma vie. C’est pourquoi, non seulement je ne pourrai jamais t’oublier, mais je t’aurai constamment dans ma mémoire la plus profonde comme une raison de vie. J’ai immédiatement compris après ton départ combien la vie allait être longue. Et qu’il fallait que je fasse semblant de m’y intéresser. Je ferai comme les autres. J’irai acheter du pain, je programmerai des voyages… Et de temps en temps, je recevrai comme un bourrasque mon besoin de toi. »

Pasolini

…jour, 132/alfée, 3

windmill

Ernst Haas

« J’ai dit : Quel est le sens de tout cela ? Tu m’as répondu : Le sens a besoin de temps pour mûrir dans le sel de la terre. Peut-être d’un autre poète aussi, sans Troyens ni Grecs, qui regarderait un gouffre où il n’est pas tombé et qui deviendrait un lac. Nous nous contentons maintenant d’un salut de la main au lointain : Nous vivons encore, nous sommes capables de réécrire le texte grec car le dernier chapitre est ouvert jusqu’à l’infini.

L’allégorie, la métonymie, la métaphore, le trope

sont l’ombre de la parole, car l’image

d’une chose n’est pas la chose… ni son contraire.

C’est la ruse de la poésie pour nommer.

Dans l’allégorie, j’ai d’autres desseins,

comme laisser le chant

aller à sa guise…

se retourner à gauche, à droite,

sauter entre cieux et vallées,

traiter son mal

avec un peu d’ironie. »

Présente absence, Mahmoud Darwich, Actes Sud/Sindbad

à l’ombre des mots, luth, oud, la musique du trio Joubran et la poésie de Mahmoud Darwich

USA. California. San Francisco. Ernst Haas. 1955.

Ernst Haas par Elliot Erwitt

…la lettre nue, 26

maxresdefault

Iannis Xenakis

« Chère Mâa,

j’ai lu ta lettre avec joie. Tu me manques beaucoup mais ce qui me console c’est la qualité de ton caractère, droit, fort et intelligent, malgré déceptions et tristesses qui sont notre lot à tous. Il faut apprendre à déjouer notre tendance à rêver bêtement donc à être déçu. Il est plus difficile mais combien plus lumineux de se hisser à une clairvoyance des choses et des gens donc de nous-même beaucoup plus profonde que celle où notre paresse quotidienne nous entraîne. Mais cette clairvoyance, ce sang froid du regard ne doit absolument pas amortir, fléchir, abattre notre action éperdue. Donc il faut se dédoubler mais rester un à la fois. Je dis ça parce que c’est mon expérience renouvelée donc toute fraîche dans les misères de mes échecs ou de ceux que je rencontre. Toi qui as tant de talent dans l’œil et la main tu laisses filer le temps. Nous sommes de la race de ceux qui sont foncièrement inquiets à perpète.

Le seul moyen de s’en sortir est de vivre avec cette angoisse en la détournant vers l’action de la main et de la tête. Pas de passivité, c’est la mort. Se délecter dans le passif est une forme de maladie.

(…)

Ne pense pas à la gloire, pense aux choses mêmes, fais-les.

I.X.72″

lettre de Iannis Xenakis à sa fille Mâkhi

publié dans Iannis Xenakis, un père bouleversant de Mâkhi Xenakis, édition Actes Sud