…jour, 165

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© A.E. place de la République, 7 janvier 2015

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Chaos des jours qui suivent.

Luz hagard sur la place de la République.

La salle du hublot transformée en cellule de crise. Les policiers partout.

Les dessins et hommages qui recouvrent les murs de la capitale, mais l’adjointe à la maire de Paris qui me dit qu’il ne sera pas possible d’afficher le dessin de Cabu sur les panneaux de la mairie parce que « C’est dur d’être aimé par des cons » pourrait heurter des sensibilités.

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Cet avocat sorti d’on ne sait quel placard à dossiers mal fermé, bedonnant cravaté, qui vient nous expliquer ce qu’on peut faire pour lui. Qui se permet de nous engueuler. Qui invite un type de Valeurs actuelles à l’enterrement de Charb et qui m’écrit que je suis aussi intolérante que ceux que nous prétendons combattre.

Quelqu’un qui annonce à la ronde : ça y est, ils les ont eu. Hochements de têtes.

Notre cortège dans les rues vides du 11 janvier. Les applaudissements des riverains qui percent le silence. Les fenêtres s’ouvrent pour brandir des dessins; les policiers crient de rentrer chez soi et les vitres claquent d’être vite refermées. Jul dit : on dirait un calendrier de l’avent. (…)

La beauté de la femme de Luz, sûre d’elle rassurante. (…)

L’organisation des enterrements. Les conflits d’emplois du temps, de lieux, de dates. Les tensions, la fatigue. L’idée monstrueuse et dérisoire de faire un Doodle pour mettre tout le monde d’accord. Foolz qui éteint l’ordinateur en disant Laisse tomber.

Les nouvelles des blessés. Les premiers mails échangés avec Simon sorti du coma, son humour qui nous scie; lui en tout cas, il est Charlie. La rédactrice en chef de Libération nous adresse la chronique de Lançon écrite depuis son lit d’hôpital. Ce que c’est que porter la plume à la plaie. (…)

Des messages de soutien de partout, des cadeaux, des dessins, des livres, des bouteilles de whisky hors de prix sifflées en dix minutes. Parmi les citations de la part d’amis qui ne trouvent pas leurs mots, une phrase de Sony Labou Tansi : « j’exige le courage tragique de se marrer en connaissance de cause ». (…)

La couverture de Luz « Tout est pardonné », placardée partout dans Paris par les kiosquiers. L’envie de la déchirer puisqu’elle me déchire. Mais à force de la regarder, s’habituer. S’y raccrocher comme à un rayon de paix, espièglerie, d’enfance

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Calme et tranquille, Valérie Manteau édition Le Tripode

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© A.E. les fenêtres du 11 janvier 2015, Canal Saint Martin